Mahmoud Ahmadinejad: Consumérisme et matérialisme

Tribune : le consumérisme et le matérialisme sont les véritables causes de la crise climatique, par Mahmoud Ahmadinejad
8 janvier 2010

La cause véritable des atteintes à l’environnement est celle du modèle consumériste, accuse le président iranien dans ce discours prononcé au sommet de Copenhague. « Vouloir produire pour consommer plus et consommer pour produire plus a engendré un interminable et destructeur cercle vicieux », affirme-t-il, en dénonçant le « matérialisme » de l’occident uniquement préoccupé de profit, et l’accaparement des ressources naturelles par un Nord « dominateur » et « mu par l’avidité ». — Nombre d’arguments développés par Ahmadinejad – quelles que soient par ailleurs ses évidentes arrières pensées politiques lorsqu’il se lance dans un plaidoyer pro domo pour le nucléaire et un « retour aux valeurs divines » – ne manquent ni de force ni de pertinence, et pourraient être repris par la plupart des nations du Sud. A ce titre, ils méritent d’être entendus. Contre Info.

Allocution de Mahmoud Ahmadinejad à Copenhague, 18 décembre 2009 – extrait

Chaque année, des millions de personnes perdent la vie à cause de la pollution, et les maladies respiratoires et de la peau sont en augmentation. Si les gaz à effet de serre continuent d’augmenter au rythme actuel, ils vont atteindre un niveau double de celui existant avant l’industrialisation. En d’autres termes, au lieu d’une réduction de 50 pour cent, ils vont croître de 50 pour cent et posent un véritable défi pour l’environnement.

Messieurs, peut-être rapprochez vous ces remarques avec diverses questions semblables, qui dans votre esprit sont associées. Toutefois, la question est la suivante : Quelle est la cause ? La première réponse, c’est l’augmentation de la consommation des combustibles fossiles, et une interférence généralisée et destructrice avec la nature. Mais la question principale, la plus grave, est la suivante : Quel est le facteur responsable de l’augmentation de l’utilisation des combustibles fossiles et de cette interférence avec la nature ? Je voudrais apporter une réponse à cette question sur deux plans.

Le premier adopte un point de vue fondamental et macroscopique sur ce problème. Le phénomène du changement climatique est-il un simple problème écologique ou est-ce d’abord et avant tout un problème culturel, comportemental et économique ?

Chers collègues, l’observation des transformations de la situation sociale et des processus de pensée, depuis au moins les deux dernières décennies, révèle la prédominance acquise par le matérialisme sur la pensée, le comportement et les liens sociaux, dans de vastes régions du monde. La survie du capitalisme dépend de l’expansion obstinée du consumérisme et d’une interférence généralisée avec la nature.

On assiste à une concurrence permanente et sans fin pour la accroitre la consommation en vue d’accroître les revenus des gros investisseurs. Ce type de progrès, fondé sur le consumérisme, a été voulu et largement promu. Dans certaines parties du monde, le consumérisme est devenu une valeur sociale. Vouloir produire pour consommer plus et consommer pour produire plus a engendré un interminable et destructeur cercle vicieux.

Nous avons tous été témoins de la façon dont il (l’Occident, vraisemblablement – ndt) a créé d’énormes problèmes conduisant à la récente crise économique, avec l’invention de 30 milliards [1] de dollars de faux actifs de papier et l’ accroissement de la consommation. La satisfaction personnelle maximum et le profit maximum sont les objectifs stratégiques qui sont fixés, basés, sur une conception matérialiste.

La promotion de la consommation, l’élimination des rivaux, la conquête des marchés mondiaux, en monopolisant les nouvelles technologies et en empêchant les nations d’atteindre l’autosuffisance, sont autant de manifestations de cette école de pensée. Cette conception ne s’arrête pas là : elle va même jusqu’à attiser les flammes de la course aux armements et de la guerre, et considère comme acceptable le développement du commerce des armes. N’est-il pas vrai qu’il s’agit là du résultat des modèles du système capitaliste et de l’économie libérale, et du besoin énorme de consommer des énergies à bon marché, en détruisant la nature ?

Le deuxième niveau de réponse est politique. La manière dont les ressources énergétiques de la planète sont contrôlées et utilisées est l’un des facteurs contribuant aux guerres et aux tensions internationales. L’énergie a toujours été une question relevant de la sécurité et du politique.

L’énergie et le pétrole ont été les facteurs essentiels et stratégiques des politiques étrangère et de sécurité du gouvernement américain depuis un siècle, de façon similaire à ce qui existait dans les précédents empires. Depuis cette époque, les régions du monde riches en pétrole ont toujours été soumises à des guerres et des expéditions militaires visant à dominer les ressources énergétiques.

J’attire votre attention. L’Amérique, avec moins de 5 pour cent de la population mondiale, consomme 25 pour cent de l’énergie et du pétrole du monde, plus de 18 pour cent du bois utilisé dans le monde, et près de 14 pour cent de l’eau de la planète. En outre, environ 40 pour cent des véhicules dans le monde circulent dans ce pays.

Ce gouvernement a un budget militaire qui est l’équivalent (du total) de celui de la plupart des pays du monde. Il a une présence active dans toutes les régions du monde où se déroulent des guerres et des conflits. Ceux que l’on appelle les pays industrialisés comptent près de 20 pour cent de la population sur terre mais consomment 85 pour cent de l’énergie mondiale, et sont donc les plus gros pollueurs. Que se passerait-il si les autres pays adoptaient le mode de vie de ces nations ?

Le gouvernement américain et ses amis insistent sur le développement de la production de combustibles fossiles et ils utilisent des méthodes d’intimidation pour mettre un terme au développement et à la diffusion des nouvelles technologies utilisant des ressources renouvelables et propres. Dans le même temps, en refusant d’honorer leurs engagements internationaux et en faisant de vaines promesses, ils empêchent que se manifeste une volonté mondiale de lutter contre l’augmentation de la pollution. Il est clair que les conditions climatiques actuelles sont le résultat des conceptions et du comportement arrogant d’un certain nombre de gouvernements et de pays mus par l’avidité, qui croient avoir la suprématie sur les autres, et qui poursuivent leurs intérêts ultimes et la domination du monde sans aucune considération pour les conséquences.

Mes amis, il est impossible que la situation actuelle perdure. Elle mènerait à la destruction de la vie humaine. La question est donc celle-ci : quelle est la solution ? Sur la base de ce qui a été dit, il est clair que la solution fondamentale passe par un retour aux valeurs divines et humaines. Dieu a créé l’homme comme un être qui lui est cher. Il a voulu la dignité de l’humanité, sa croissance et sa prospérité. Il a accordé à l’homme des droits et il a invité l’humanité au monothéisme, à la justice et la droiture. Il ne permet pas qu’existent la discrimination et l’injustice. Dieu a demandé aux hommes de respecter mutuellement leurs droits, de faire preuve de compassion envers autrui, de s’entraider mutuellement dans leur progression et leur développement, de partager leurs joies et leurs peines, de sacrifier leurs possessions dans l’intérêt de la prospérité et du bien-être d’autrui, de faire régner la justice et l’équité par leur comportement envers la nature et autrui, et d’éviter l’avidité et la recherche de la domination sur autrui. Il devrait être remercié par un usage propice de ces bénédictions divines que sont les forêts, les bois, l’eau et l’air, usage qui ne débouche pas sur l’anéantissement et la destruction des mers et du climat.

Chers collègues. Sans aucun doute, si une telle pensée et les écoles de pensée qui ont été transmises à l’humanité par les prophètes divins étaient utilisées comme fondement de la vie, il serait mis un terme à la destruction de l’environnement, et le climat pourrait se régénérer de lui-même et créer de meilleures conditions pour la continuation de la vie. Sur cette base, nous aimerions proposer ce qui suit :

1) Un groupe de travail composé d’intellectuels, déterminés à résoudre les problèmes de l’humanité, venant de pays volontaires, devrait définir et mettre à disposition de l’humanité, dans un délai imparti, les bases de sa prospérité, fondées sur les conceptions divines et humaines qui sont partagées par la plupart des peuples du monde. La consommation peut être rééquilibrée en réformant ses critères, et en répartissant équitablement les biens publics dans le monde. Il est possible de créer une société prospère où les richesses sont distribuées de manière efficace et équitable, où la vie se déroule dans une atmosphère de relations sincères, où la compétition pour la suprématie se transforme en une compétition pour la compassion, et où la consommation est contrôlée en fonction des besoins.

2) Le système économique actuel doit être fondé sur les conditions précitées et être organisé et défini en accord avec les valeurs de justice et de dignité humaine. Le modèle de consommation doit être fondé sur des besoins réalistes et ne devrait pas être conçu de manière à augmenter la consommation.

3) Les pays dits industrialisés doivent honorer leurs engagements internationaux. Dans le même temps, des mécanismes clairs et applicables doivent être établis, permettant de contrôler les gouvernements et les secteurs économiques contrevenant aux accords, et les obligeant à payer des amendes aux pays qui ont subi des dommages. On estime que plus de 250 milliards de dollars ont été dépensés pour l’expédition en Afghanistan et que le coût de la guerre en Irak approche les 1 000 milliards de dollars. Si on avait consacré 50 milliards de dollars à l’infrastructure et au développement économique de l’Afghanistan n’aurait-on pas transformé ce pays en un pays développé ? Et 200 milliards de dollars consacrés au développement de nouvelles technologies et à une utilisation soutenable des combustibles fossiles n’auraient-ils pas ramené le niveau de pollution à celui de la période précédant l’industrialisation ?

4) Bien que l’augmentation des gaz à effet de serre provoque 1 000 fois plus de morts silencieuses que les actions des terroristes, qui sont les êtres les plus haïs, n’est-il pas vrai que tous les objectifs de la Convention [de Copenhague] seraient accomplis avec seulement la moitié du budget militaire de l’Amérique ? N’est-il pas préférable d’allouer une partie du budget militaire des grandes nations à des actions destinées à promouvoir le bien-être de la population et à réduire la pollution ?

5) En abandonnant cette conception monopolistique orientée vers le profit, de nouvelles technologies, diverses sources d’énergie et des énergies propres et renouvelables deviendraient accessibles et bon marché pour tous les pays : l’éolien, le solaire, l’énergie marémotrice, la géothermie et l’énergie nucléaire. Ces pays n’auraient alors plus besoin de recourir à l’utilisation massive de combustibles fossiles à faible rendement.

6) Afin d’atteindre le mieux possible les objectifs à long terme de la Convention, les nations devraient accepter de participer au financement du fonds mondial pour le climat en proportion de leur part de pollution dans le passé. Et les ressources de ce fonds doivent être réparties de manière juste et sans qu’elles soient contrôlées par les principaux pollueurs. Ne serait-il pas préférable de réorienter les fonds destinés à la production et la diffusion d’armes nucléaires vers le désarmement mondial, le développement des nouvelles technologies, l’aide sociale et la lutte contre la pauvreté ? Nous proposons que l’année 2011 soit celle de la redéfinition du modèle de consommation, de la réduction de la pollution et nous proposons l’élaboration d’un plan visant à promouvoir les valeurs humaines.

Vos Excellences, Mesdames et Messieurs, la République islamique d’Iran mentionne sa responsabilité dans la protection de l’environnement dans l’article 50 de sa Constitution, en tant que principe conforme aux enseignements du Coran et aux valeurs divines, et elle en fait un devoir public. A cette fin, le gouvernement a orienté son action sur les points suivants :

-  Réduction de la consommation d’énergie grâce à l’amélioration des normes dans les industries et la production,

-  Gestion de la consommation et élimination des subventions à l’énergie de façon planifiée,

-  Conversion au fonctionnement au gaz de très nombreux véhicules, d’industries et de centrales électriques,

-  Fourniture de l’accès au gaz naturel à plus de 90 pour cent des villes et dans de nombreux villages,

-  Recherches approfondies sur l’utilisation des énergies propres, notamment éolienne et solaire, et développement de plans pour la production de combustible nucléaire et la mise en œuvre de 20 000 MW d’électricité d’origine nucléaire.

Tout en soutenant les accords de Kyoto et le renforcement de ces accords, la République islamique d’Iran annonce qu’elle est prête à poursuivre sa coopération, en particulier dans l’utilisation efficace des ressources énergétiques et l’adaptation locale des technologies liées à l’environnement, tout en apportant un soutien financier et technologique aux mécanismes d’énergies propres, ou sous forme de coopération bilatérale.

L’Iran est prêt à mettre les résultats de ses recherches et son expérience dans l’utilisation des énergies propres à la disposition des autres pays. Nous voudrions proposer qu’une banque ou un centre de technologie soit mis en place pour transférer ces recherches et cette expérience au sein du Groupe des 77 pays et de la Chine, sous la supervision du secrétariat de la Convention. J’espère que les gouvernements qui ont créé la situation actuelle prendront leurs responsabilités, et que grâce à la coopération de tous, cette réunion historique et importante pourra parvenir à des accords constructifs et saura apporter une réponse adéquate aux nombreuses demandes exprimées par différents pays et nations.

Je tiens à remercier tous ceux qui aiment la nature et la vie humaine, ainsi que les groupes qui, à travers leurs discours, les rassemblements et leurs éclairages, ont stimulé les sensibilités envers la nécessité de protéger l’environnement. Je voudrais également demander à Dieu d’aider chacun à être au service de l’humanité, à faire revivre les valeurs humaines et divines, à mettre en œuvre la justice et la droiture, et à protéger l’environnement de la planète, ce qui deviendra possible sous la conduite des justes.

Je voudrais sincèrement vous remercier tous pour l’attention que vous m’avez accordée.


Publication originale US Government Open Source Center via Juan Cole

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