Des pêcheurs artisanaux de Mbour ont décidé mardi 06 mars de porter plainte contre le ministre, responsable du Pds à Tambacounda, car 35 bateaux de pêche russes sont, depuis quelques mois, en train de racler le fond des eaux territoriales sénégalaises, après avoir bénéficié de licences de pêche de la part du ministre. Contre quoi en retour ? Rien et surtout pas d’argent : c’est qu’il aime bien les Russes, le ministre. C’est tout.
En mai 2011, deux navires dénommés « Oleg Naydenov » et « Admiral Starikov », battant pavillon russe et faisant partie des chalutiers pélagiques pirates qui exercent tranquillement, leurs activités dans les eaux sous-juridiction sénégalaise, et en violation de toutes les dispositions réglementaires qui régissent les activités de la pêche dans le pays, avaient déjà été arraisonnés par le « Popenguine », un bâtiment de la marine sénégalaise.
Les navires russes s’étaient alors arrêtés au large de Gorée, refusant d’entrer en quai au port de Dakar. Le Gaipes avait dénoncé cette situation et accusé le ministère de l’Economie maritime d’avoir tout fait pour les tirer d’affaire. Ce qui fut fait.
On se rappelle, en 2000 des accusations portées contre le Ps et Ousmane Tanor Dieng à propos de l’octroi de licences à des navires russes. Les fonds tirés de ces autorisations ont, pour dire vrai, servi tous les régimes. Lors de l’organisation de la Can 92 au Sénégal, la vente de ces licences avait permis à l’Etat de faire face à des obligations pressantes dans un contexte de rareté de la ressource financière.
Mais de plus en plus, l’impunité ne peut passer car ce sont des milliers d’acteurs de la filière qui voient leur survie remise en cause. Et dans ce cas-ci, le lien est vite fait avec la campagne électorale. M. Khoureïchi Thiam est responsable du Pds à Tambacounda où il bat actuellement campagne pour le président sortant Abdoulaye Wade.
Dans plusieurs zones de cette région, surtout en milieu rural, de grosses sommes d’argent ont servi à « acheter » les voix des grands électeurs. Macky Sall y a ainsi remporté la commune alors que Wade a fait le plein de voix dans les villages.
Si la plainte des pêcheurs aboutit, il a des soucis à se faire. Gaoussou Guèye, président de l’Association pour la promotion et la responsabilisation des acteurs de la pêche artisanale de Mbour (Aprapam) a déclaré au cours d’une conférence de presse qu’il y a « un pillage organisé des ressources halieutiques, un bradage extrême. Les populations n’arrivent plus à consommer du poisson, les pêcheurs n’arrivent plus à pêcher, les mareyeurs ne peuvent plus commercialiser leurs produits. Les populations à l’intérieur du pays ne peuvent plus avoir accès aux produits de la mer. Un seul ministre ne doit pas prendre en otage tout un pays. »
Raoul Monsembula, chargé de la campagne « Océans » de Greenpeace Afrique, qualifie la situation qu’il a constatée dans les eaux sénégalaises de « chaotique ». Il vient de boucler, sur un navire de l’organisation écologiste, une mission d’un mois entre Saint-Louis et la Casamance. Son verdict est sans appel : « ces bateaux russes défient la loi sénégalaise. Ils pêchent dans la zone interdite en présence des observateurs qui sont payés pour voir si les conditions dans lesquelles pêchent ces bateaux respectent les normes du Code de la pêche. Pour ne pas être reconnus, ces bateaux éteignent leur signal, ils couvrent toutes les parties qui ont des signes. Mais heureusement qu’on avait un hélicoptère qu’on a envoyé souffler sur ces parties cachées pour pouvoir les identifier », renseigne Raoul Monsembula.
Ces 35 bateaux pêchent surtout des sardinelles (Yaaboy), une espèce menacée au Sénégal et espèce prisée par les couches les plus défavorisées des populations, mais courante dans les plats des foyers surtout urbains et péri-urbains du Sénégal. Les études les plus sérieuses indiquent que le Sénégal ne devrait pas dépasser 220.000 tonnes de capture par an.