La liste non paritaire de Touba recevable (Lamine Aysa Fall)

Réponse à Abdou Lahat Seck Sadaga, à Moustapha Diakhaté et à la CCR/France.

La liste électorale la plus décriée est sans nul doute celle de Touba-mosquée. Pour cause, la société d’ancrage de cette liste propose un référentiel socio culturel totalement différent de celui qui a inspiré la loi qui le sous-tend. Le flot de contestations que le dépôt de la liste de Touba a occasionné, révèle du même coup, tout le mal être de certaines personnalités toujours promptes à brocarder tout ce qui relève du mouridisme. Ce qui se passe sous nos yeux, nous rappelle les propos d’un éminent intellectuel mouride, Serigne Mustafaa Saliou, à son retour du Sommet mondial sur l’habitat organisé par les Nation-Unies à Istanbul (Turquie), il y a de cela 17 années. Une seule localité Ouest-africaine y intéressait le monde : Touba, ville fondée par l’illustre Cheikh Ahmadou Bamba. Une forte délégation dirigée par ce fils de Serigne Saliou Mbacké ibn Khadimou Rassoul y avait représenté notre pays.

De retour de cette grande rencontre, certaines déclarations de Serigne Mustafaa Mbacké Saliou retentissent encore à nos oreilles. Il disait, concernant le khalifat de la ville sainte de Touba, qu’il n’y avait pas plus démocratique que l’acceptation d’un leadership pré-indiqué, qui de ce seul fait, ne souffre aucune contestation, ni aucune rivalité. Serigne Mustafaa Saliou avait rappelé que si on devait élire un Khalif pour Touba, il n’y aurait aucun autre prétendant que celui désigné par Serigne Touba lui-même !

En effet, pour le marabout intellectuel, ni Touba ni les mourides n’accepteraient de s’enfermer dans « des concepts en vogue ». Les seuls concepts qui seraient dignes d’attention pour le mouride sont ceux enseignés par Boroom Touba. Il disait, prenant exemple sur le concept de « démocratie » créé par l’Occident, que c’était devenu à la mode parce que l’Europe l’avait voulu. D’après lui, si demain l’Occident en avait fini avec ce concept, il en créerait un autre et en ferait la promotion qui serait sous-tendue par sa super puissance. Le monde évolue selon la trajectoire définie par les grandes puissances qui lui en imprime son rythme et sa courbe. Fascisme, Dictature, Démocratie, Mondialisation, autant de réalités créées par les « vainqueurs » qui renvoient à leur propre vision du monde.

Revenant au bruit engendré par la fameuse liste, il est vrai que nous continuons de vivre la version occidentale de l’histoire moderne, mais la question de la parité relève d’un débat présent qu’on ne saurait laisser se dérouler sans y peser de tout le poids de nos valeurs culturelles et morales. Aujourd’hui, ces mêmes « vainqueurs d’hier», nous incitent à nous mettre à l’heure de l’égalité et de l’équité entre les sexes. Quoi de plus normal pour eux que d’essayer de nous vendre « parité » et « homosexualité » dans un même emballage? La Parité vient ainsi de traverser nos frontières juridiques, venant du même Occident. Notre société n’a jamais été demandeur de cette loi sur la parité. Celle-ci créé plus de problèmes qu’elle n’en résout lorsqu’elle est appliquée de façon arithmétique, parce qu’elle ne l’a jamais « secrétée ». Telle qu’elle est présentée par des «intellectuels entonnoirs» à la solde de lobbies ou de multinationales, l’idée de parité fondée sur une « approche genre » a de quoi séduire. Toutefois, leur erreur réside dans la non prise en compte de certaines valeurs traditionnelles plusieurs fois séculaires dans sa mise en oeuvre. Alors, comment peut-on imaginer faire passer cette loi sous cette forme purement arithmétique (un homme = une femme) partout dans notre pays sans qu’il n’y ait aucun grincement de dents, nulle part?

En République comme en démocratie, on ne peut obliger les citoyens à faire des choses s’ils n’en ont pas envie. En d’autres termes, on risque de voir toutes les femmes se retirer d’elles-mêmes des listes dans cette localité. Alors, la parité, oui! mais, lorsqu’il y a des hommes et des femmes sur un même starting-blocks, prêts à courir au signal du même starter. Le cas de Touba devra faire jurisprudence! Si aucune femme ne veut être candidate, comment peut-on penser que « les lois de la République » permettraient d’aller les débusquer pour les mettre de force sur des listes électorales? Que nenni! Nous voilà donc, devant une énième insuffisance de cette loi.

L’observateur averti devait bien voir la difficulté venir. La ville de Touba ne s’est réclamée de rien de ce qui se passait ailleurs, dans les autres localités, consciente de sa spécificité. Il n’y a jamais été question de renoncer à certains piliers de nos traditions. Nous avions averti dans un article : « Ma conviction est que les progrès démocratiques ne se mesurent pas avec une règle. Pour être clair, dans l’application juste et équitable des règles démocratiques, il peut arriver de noter que « 2 et 2 font 5 ». Par conséquent, nous croyons avoir fait un bon emprunt, alors que nous sommes en train de nous tromper. La mise en œuvre pour laquelle nous avons opté n’est conforme ni à notre éthique, ni à notre culture. Il est temps d’arrêter ». (https://lancepierre.wordpress.com/2012/05/06/non-a-cette-loi-sur-la-parite-par-lamine-aicha-fall-ndiaye/ )

Les uns et les autres doivent savoir que Touba échappe complètement au « diktat » de l’Occident, et que par voie de conséquence, elle usera de tous les moyens pour imposer sa vision de la démocratie  et de cette parité « électoraliste »: c’est-à-dire ne pas chercher à mettre des femmes lorsqu’elles refusent de proposer leur candidature.

 

Lamine Ndiaye

Militant de l’Alliance pour la République (APR)

Commune d’arrondissement Thiès-nord

(less_ndiaye@yahoo.fr)

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