Y en a marre de… “Y en a marre”!
« Pour un âne enlevé deux voleurs se battaient :
L’un voulait le garder; l’autre le voulait vendre.
Tandis que coups de poing trottaient,
Et que nos champions songeaient à se défendre,
Arrive un troisième larron
Qui saisit maître Aliboron. »
(Jean de la Fontaine)
Dans une démocratie, on s’organise à gérer les affaires de la Cité en faisant alterner aux commandes de l’Etat, des équipes de « sachants » par le truchement d’élections. Celle qui les gagne gouverne, les autres s’opposent. Il devient donc une civilité anodine que de respecter cette règle, pour le bien de tous. La périodicité et l’effectivité du changement des équipes dirigeantes de l’Etat sont mises entre les mains du peuple et organisées par des règles et des lois que vote ce dernier. Et dès lors, personne n’est imbu de l’autorité de lui dire pour qui ni pourquoi il vote ! Ce processus se déroule dans tous les pays qui épousent le système démocratique, avec un déterminisme qui s’apparente à celui de l’horloge ou du calendrier. Il peut arriver cependant, que ce processus souffre de l’éducation sommaire ou de l’éthique politique funeste de celui qui détient la responsabilité de son bon déroulement. Le cas échéant, avec un dysfonctionnement originel ou structurel de l’esprit de ce décideur, on pourrait conduire à la privation de liberté, un candidat-opposant dont on croirait certaine la victoire. On pourra l’accuser de viol. On pourra le peindre en terroriste, en subversif. On pourra recruter des insulteurs publics, qui l’invectivent à longueur de journée. On pourra appeler publiquement à son meurtre. On pourra le radier de l’Administration, pendant qu’il était haut fonctionnaire. On pourra le radier des listes électorales sans égards à ses droits ni raison aucune. On pourra le barricader à son domicile autant qu’aura duré le temps de réflexion sur son sort, le mettre en « résidence surveillée » en quelque sorte ; de guerre lasse, sans qu’aucun tribunal n’en décide, sans qu’aucune autorité administrative ne daigne prendre un arrêté de décision y relatif. On pourra l’emprisonner avant de chercher les motifs les plus fallacieux à l’entendement desquels, on frise la débilité. On pourra le condamner avant de le juger pour la forme et, prononcer à son encontre une peine dont la dernière similaire connue date de 399 avant Jésus Christ. On pourra lui refuser les fiches de parrainage. On pourra encaisser son chèque et lui refuser son attestation constituant son cautionnement ; gage que lui demande l’Etat pour participer à un suffrage. On pourra refuser sans raison aucune, d’exécuter les arrêts des juges de première Instance et d’Appel, ordonnant à l’Etat de chevaucher de nouveau les principes de la République, en somme, de se conformer aux lois et règlements qu’il s’est donné. En vain !
Ensuite, on pourra mettre au cachot tous ceux qui étaient avec lui ou qui pensent comme lui, y compris celui qu’il aura désigné pour le suppléer, averti et certain de la déchéance arbitraire dont il allait faire l’objet, de son droit à se présenter à n’importe quelle élection.
Tout ceci aura été possible parce que l’Administration aura été daltonienne (entendez ne pas pouvoir distinguer les couleurs !) ; le seul mal qu’elle peut trainer sempiternellement sans en mourir et ne s’en porter que mieux. Et, hormis les combattants, on n’aura entendu personne s’écrier : « Y en a marre ! »
Ainsi, avant et après la décision des deux juges, tous ceux qui se sont dressés contre ces entorses calamiteuses aux lois de la République, ont reçu les foudres de la force inouïe de l’Etat dont le Chef, semble-t-il, réfléchissait à s’y méprendre tel un certain Joseph Staline qui dit : « Nous anéantirons sans pitié quiconque menace par les faits ou même par la pensée, l’unité de l’Etat. » Mais de quel Etat s’agissait-il ?
Fort heureusement pour une fois, toute chose aura été inégale par ailleurs et le peuple prit le dessus. C’est pourquoi, le 24 mars 2024, il a choisi, contre vents et marrées, un prisonnier à peine sorti de geôle et dont les gestes lents trahissaient encore la longue rétention de liberté. Un système venait de s’effondrer…
Il faudrait maintenant, rappeler aux autres groupes, même frappés de désemparement, que le mécanisme démocratique que nous nous sommes choisi a bien fonctionné. Ceux qui gouvernent le font de par et pour le peuple qui s’est exprimé majoritairement pour. Ils vont prendre des décisions. Ils vont faire voter des lois y compris celles qui vont briser la carapace juridique et souillée (parce que conçue aux travers de la morale publique, de la dignité et contre l’honneur dû à nos morts), à l’affût de laquelle se blottissent ceux qui ont des choses à se reprocher. Car, il y a eu de la violence arbitraire, il y a eu des crimes. Il faut juste que les auteurs paient, en vertu de la loi. Il y a d’un côté ceux qui ont voulu que ces faits ne soient jamais jugés, qui avaient usé et abusé de leur majorité naguère mécanique à l’Assemblée nationale pour pondre une loi scélérate à cet effet. De l’autre, il y a ceux qui gouvernent dont l’appréhension sur les crimes commis n’a pas variée, qui réitèrent avec fermeté leur devoir de faire appliquer la loi. Il y a enfin ceux qui disent qu’il y en a marre d’occulter les crimes commis, qu’il y en a marre de vouloir juger les auteurs de ceux-ci, qu’il y en a marre de faire en sorte qu’il n’y ait plus d’impunité. Les récupérateurs, les députés élus par les failles du système, nostalgiques d’une pseudo popularité précocement perdue, les anciens marchands de menaces, de haines et d’illusions de l’autre bord et du même bord que le diable ou presque, sont aux aguets. Ils joueront tous leurs rôles dans la fable…
Le temps que l’on comprenne ce charivari politico politique, disons simplement qu’il y en a marre de y en a marre !
Samba Nd. Diallo
Conseiller technique à la
SOGEPA – Dakar
Sénégal