L’IA Adaptative : Révolutionner l’Éducation au Sénégal (LAF)

L’école sénégalaise face à l’intelligence artificielle : trois chantiers pour une révolution éducative

À l’heure où l’intelligence artificielle (IA) redéfinit les contours de nos sociétés, il est inacceptable que l’école sénégalaise reste en marge de cette révolution. Mais d’abord, qu’est-ce que l’intelligence artificielle communément appelée IA ? L’intelligence artificielle est un domaine de l’informatique qui vise à créer des systèmes capables de simuler l’intelligence humaine. Ces systèmes peuvent apprendre, raisonner, résoudre des problèmes et prendre des décisions de manière autonome ou semi-autonome. L’IA a le potentiel de transformer de nombreux domaines, tels que l’éducation, la santé, les transports et l’industrie. Son principal avantage pour l’école est la personnalisation des apprentissages à travers l’adaptation des contenus en fonction des besoins et des niveaux des élèves, la proposition de parcours individualisés pour que chaque élève puisse apprendre à son rythme et la fourniture de retours immédiats afin aider les élèves à comprendre leurs erreurs et progresser. Sous ce rapport, ne pas le favoriser dans l’éducation, c’est condamner nos enfants à l’obsolescence, c’est abandonner nos enseignants sans outils, c’est trahir les espoirs légitimes des familles. L’IA ne doit pas être considérée comme un luxe pour nos écoles : elle est un levier puissant pour démocratiser le savoir, réinventer les pédagogies, alléger les charges administratives et faire entrer enfin l’école dans le XXIe siècle avec fierté et souveraineté. Encore faut-il une volonté politique et éducative forte pour la rendre accessible, utile, et éthiquement encadrée.

Ainsi, trois pistes s’imposent à nous, si nous voulons réellement sortir l’école sénégalaise du surplace et donner à l’IA la place qui lui revient : dans la salle de classe, dans la salle des professeurs et dans le dialogue avec les familles. Autrement dit, il s’agira de prime abord, de former les enseignants et les élèves à une intelligence artificielle qui libère, pas qui remplace ; ensuite de permettre aux chefs d’établissement d’être les vrais généraux d’une transition éducative ; enfin, d’accompagner les parents d’élèves pour en faire des alliés vigilants et exigeants de l’Ecole.

Faut-il encore préciser que nous ne parlerons spécifiquement dans les lignes qui suivent de l’intelligence artificielle adaptative, mais pas forcément de sa « sœur » l’intelligence artificielle générative. La particularité de cette dernière est de générer de nouveaux contenus (textes, images, vidéos) à partir de données existantes. Elle ne se limite pas à adapter, mais produit : des résumés, des exercices, des corrigés ou même des animations. Tandis qu’à l’inverse, l’intelligence artificielle adaptative ajuste les contenus ou les parcours d’apprentissage en temps réel selon les réponses, le niveau ou le rythme de l’utilisateur. Elle observe, analyse et s’adapte pour proposer une expérience personnalisée, notamment dans les plateformes éducatives. Œuvrer pour le développement de l’école sénégalaise ne doit pas être un acte isolé des tendances du nouvel ordre éducatif mondial. La marche du monde exige de notre système d’éducation qu’il arme les enseignants et les élèves d’une intelligence artificielle qui libère, pas qui remplace. Il ne s’agira pas de remplacer nos enseignants par des outils, des machines ou des robots. Il sera juste question de libérer tout le potentiel et toute la volonté qui sommeillent en eux. 

Si l’école sénégalaise actuelle fait montre de timidité face à l’intelligence artificielle en particulier, et au numérique en général, c’est simplement parce que notre système éducatif « craint le courant d’air », et s’est suffi à en faire une béquille technologique. D’ailleurs, pourquoi n’avons-nous toujours pas au Ministère de l’éducation nationale une direction du numérique éducatif, comme dans tous les pays soucieux des nouvelles exigences mondiales ?   Or, il urge véritablement de l’intégrer dans le système comme une extension du travail pédagogique. Les outils d’IA dotés d’une puissante capacité d’adaptation, plus connus sous l’appellation d’ « IA adaptative » permettent de proposer à chaque élève un chemin d’apprentissage personnalisé. Déjà certains de ces outils sont utilisés au Sénégal. Il s’agit entre autres de : Khan Academy accessible sans Internet, Kolibri (Learning Equality), Rumie, Eneza Education, Ubongo Kids (contenus animés + app), ÉduAir (plateforme sénégalaise en développement), Moodle avec plugins d’IA (open source). Dans un système scolaire miné par la surcharge des classes, les inégalités d’accès aux ressources et la fatigue des enseignants, ces outils peuvent être des multiplicateurs d’efficacité.

Mais, cela ne se fera pas sans formation massive et continue des enseignants. Il faut les outiller, les protéger et les accompagner dans l’usage de plateformes intelligentes, capables de suivre les progrès de chaque élève, d’adapter les contenus et d’alerter en cas de décrochage scolaire. La technologie doit être maîtrisée par le pédagogue, non dictée par l’ingénieur des systèmes d’information. Et c’est à l’administration de l’école d’organiser ce transfert de compétences, avec courage et détermination. Au lieu de passer notre temps à poser des actes à longueur d’année, de nature à décourager nos enfants et à les complexer davantage face à l’usage des outils d’IA, il est nécessaire d’investir dans la formation et la maîtrise de ces outils par les acteurs de l’école.

Le deuxième front de cette révolution éducative dont nous ne pouvons faire l’économie est l’organisation. Et, au premier rang des acteurs qui tiennent en main les destinées de l’institution scolaire, se trouve les chefs d’établissement qui sont, en vérité, les généraux de la transition éducative attendue. 

Trop souvent, les chefs d’établissement sont confinés à un rôle de gestionnaire administratif. Dans cette révolution, ils doivent devenir les porteurs d’une vision. Ils doivent impulser une culture du numérique éthique et inclusive, bâtir des projets pédagogiques qui intègrent l’IA, mutualiser les ressources et organiser la résistance face à la fracture numérique.

Il est temps que l’État donne aux écoles les moyens de disposer d’une infrastructure numérique digne de ce nom : connexions stables, équipements accessibles, logiciels adaptés, gestion sécurisée des données. Il ne s’agit pas d’innover pour briller, mais d’innover pour libérer. A vrai dire, l’IA ne doit pas servir à classer ou exclure, mais à révéler les potentiels.

Le troisième chantier sera effectivement de faire des parents de vrais alliés vigilants et exigeants du système éducatif.

Nous sommes parents, et nos familles attendent de l’école qu’elle prépare nos enfants à un monde nouveau. L’intelligence artificielle, avec sa capacité de production massive de contenus dans tous les domaines, en produisant des bilans pédagogiques personnalisés, des exercices d’approfondissement ou des comptes rendus interactifs, peut rendre l’apprentissage plus lisible et plus suivi à la maison.

Mais, en tant que parents, nous ne voulons pas d’une école froide, technocratique et déshumanisée. Nous voulons comprendre, être consultés, associés à tout ce qui se fait au sein de nos écoles. Il faut créer des espaces de dialogue autour de l’usage de l’intelligence artificielle (IA) à l’école, informer sur ses avantages, mais aussi sur ses dérives potentielles (dépendance aux écrans, perte du sens critique, effacement de la relation humaine…). La confiance ne naît que de la transparence. Et c’est ensemble que nous arriverons à mieux armer nos élèves quant à un usage bénéfique des outils d’IA au niveau des enseignements-apprentissages.

Et, encore une fois, comme l’immense pédagogue Kaba Diakhaté, nous ne conclurons pas, car la bataille de l’IA à l’école sénégalaise sera un combat de tous les jours, pour l’égalité et la souveraineté 

Faire de l’intelligence artificielle une alliée de notre système éducatif, c’est refuser une éducation à deux vitesses : celle des riches connectés et celle des pauvres déconnectés et abandonnés. C’est affirmer que l’intelligence, même artificielle, peut servir l’émancipation, à condition d’être maîtrisée et pensée au service de l’humain. C’est mettre en avant l’autonomie de nos élèves sur les chemins tumultueux de l’acquisition des connaissances. C’est surtout nous passer de l’exercice ingrat et pénible à la fois, de confiscation ou d’interdiction du téléphone à l’école. Pour ce dernier cas, puisque nous sommes passés par l’interdiction systématique des calculettes en classe de sciences avant leur acceptation, nous  gageons qu’un jour prochain, cette situation de bannissement sera vaincue par la capacité de notre système éducatif à se réinventer.

En tant que peuple souverain, nous avons le droit de définir notre propre chemin éducatif. Et ce chemin passe désormais par la conquête de l’outil technologique. L’intelligence artificielle ne doit pas être l’affaire des autres. Elle est notre affaire. Elle est notre combat. Et elle peut devenir notre victoire.

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