Le délitement du Temple de Thémis aura été inéluctable !
« Et il n’y aura les gardes et leurs têtes d’imbéciles, congestionnés sur leurs cols raides, leurs grosses mains levées, leur regard de bœuf – qu’on sent qu’on pourra toujours crier, essayer de leur faire comprendre, qu’ils vont comme des nègres et qu’ils font tout ce qu’on leur a dit scrupuleusement, sans savoir si c’est bien ou mal… Et souffrir ? Il faudra souffrir, sentir que la douleur monte, qu’elle est arrivée au point où l’on ne peut plus la supporter ; qu’il faudrait qu’elle arrête, mais qu’elle continue encore, comme une voix aiguë… »
(Jean Anouilh, Antigone, 1942)
Le 1er avril 1924, Adolf Hitler est jugé pour haute trahison. Il venait d’être arrêté l’année précédente. Il avait organisé un coup d’Etat. Il avait échoué. C’était ce que l’on a appelé « Le Putsch de la brasserie », en Bavière. Il n’a été condamné qu’à cinq ans de prison, avec possibilité de libération. Il fut effectivement libéré avant la fin de la même année ; en Décembre 1924 !
De sa cellule numéro 07, il lui était permis de s’habiller en tenue civile (costume, cravate) et d’y recevoir ses hôtes, allègrement. Pourtant, au regard de la loi de l’époque, il devait être lourdement condamné non seulement, mais renvoyé à son pays d’origine ; autrichien qu’il était. Tout le monde connaît la suite de la trajectoire de ce monsieur à la moustache étriquée de part et d’autre. Tout le monde connaît aussi, les conséquences des actes qu’il a posés au moyen de sa doctrine de haine et de folie. Des juges, nonobstant leur serment, avaient été complaisants à son procès. C’était tout le mal. Quelqu’un écrivit : « L’ensemble du procès se caractérise par une bienveillance de la présidence du tribunal et du procureur envers les accusés, au point qu’Adolf Hitler y a l’occasion de tenir des discours de propagande… »
En quelque sorte, des juges venaient de participer, d’une façon ou d’une autre, au surgissement de la deuxième guerre mondiale. La guerre la plus meurtrière de tous les temps ! Ils avaient failli à leur serment.
Le 1er juin 2023, un pays (le nôtre), est en cendres. Oscar Sierra (Ousmane Sonko), ennemi public numéro Un du Chef a été jugé par contumace. Il est condamné à deux ans de prison fermes, pour « Corruption de la jeunesse ». Rappelons-le toujours et qu’est-ce qu’on oublie vite dans ce pays ! La dernière fois qu’une sentence similaire est prononcée, c’était en 499 avant Jésus Christ contre un certain Socrate.
Pour sa part, Ousmane avait été poursuivi et persécuté deux ans durant auparavant. Il devait être embastillé vaille que vaille pour qu’il ne puisse pas participer à une élection contre le Chef. Le procureur a dit qu’il est allé dans un salon de massage et y a violé une fille mineure, armes à la main. Il a été ouvert une information judiciaire contre lui pour viols répétitifs et menace de mort. Dieu du Ciel, tout le monde a compris très tôt et lui aussi d’ailleurs, que c’était cousu de fil blanc ! Il (monsieur le procureur), a copié des photos obscènes ici ou là sur la Toile pour étoffer et corser son dossier. Un juge a ouvert une instruction…
D’abord, c’est la plaignante qui est escortée par des inconnus nuitamment, en plein couvre-feu. Elle est allée trouver avec eux, le médecin gynécologue de leur choix. Celui-ci a délivré un certificat médical après une réquisition de la Gendarmerie. Sur ce parchemin, il a été lu par tous et chacun, que la plaignante n’avait eu de rapports charnels ni le soir du soi-disant viol ni les 48 heures précédentes. Voila ! Et pourtant, l’instruction a continué. Parce que la finalité exclusive de celle-ci, était de condamner à tous les coups l’accusé, de sorte qu’il ne puisse jamais se mesurer démocratiquement au Chef.
Entretemps, la plaignante s’est épanchée lors d’une conversation téléphonique secrète avec son confident de marabout. Ce dernier l’a enregistrée et, finalement, les enregistrements ont fini sur la place publique. Nous avons tous entendu la plaignante avouer sans détour et clairement en Wolof, langue la mieux parlée et comprise du pays, que c’est un complot ourdi contre l’accusé, En vérité, celui-ci ne l’a jamais touchée, assurait-elle à son interlocuteur. L’instruction a quand même continué, de plus belle ! Pis, le juge d’instruction a renvoyé ce dossier en chambre criminelle, instruit de tout ce qui précède, sans aucun témoin à charge, avec tant de preuves et témoins à décharge !
Alors, qui donc n’est pas libre de s’interroger sur cette forme de justice expéditive, outrageante sans outrager ses praticiens ? L’actuel Président de la République, Bassirou Diomaye Faye, a payé presque une année de sa vie sous les verrous, juste pour avoir constaté cette hétérodoxie ! Parce que dans ce pays, on ne parle pas des turpitudes des gens du Temple. On a toujours tort de parler de leurs torts, même lorsqu’ils tordent le cou à la loi.
Au nom de quoi, de quelle peur et de quelle « pudeur diplomatique », le Premier ministre Ousmane Sonko ne devrait-il pas parler des dysfonctionnements de la Justice dont il a été victime, précisément organisés pour lui nuire ?
Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur de France en 2005, a fustigé publiquement le juge d’application des peines. Il réagissait au meurtre de Nelly Crémel, l’épouse d’un officier de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE), tuée par deux hommes (dont un récidiviste du nom de Patrick Gateau), alors qu’elle faisait son jogging en Seine-et-Marne. Il avait prétexté, qu’en sa qualité de ministre de l’Intérieur, le veuf de Nelly Crémel lui avait demandé : « comment l’Etat peut-il relâcher un monstre ? »
Voici, entre autre, ce qu’il avait dit aux français : « Moi, je le sais, que la justice est humaine […] mais c’est pas parce que c’est humain qu’on ne doit pas payer quand on a fait une faute. […] En Conseil des ministres ce matin, j’ai demandé au président de la République de demander au garde des Sceaux ce qu’il allait advenir du magistrat qui avait osé remettre un monstre pareil en liberté conditionnelle. […] Cette question que j’ai posée, il y a 62 millions de Français qui se la posent. […] Moi, voyez-vous, je me sens du côté des victimes. »
Au cours de la procédure d’accusation de Sonko (revenons-y), le Capitaine de gendarmerie de la Section de Recherche (SR), ayant mené l’enquête a certifié que c’était une chimère. Il a été radié par le Chef au motif qu’il avait fait fuiter le procès-verbal. Or, de façon fréquente des procès-verbaux de la Police et de la Gendarmerie sont mis sur la place publique par on ne sait qui, dès le lendemain d’interrogatoires. Lorsque que le premier juge a mis sous mandat de dépôt l’accusé Ousmane Sonko, les populations ont mis le pays sens dessus-dessous. Il l’a de suite mis sous contrôle judiciaire, une nouvelle trouvaille pour apaiser, dirait-on. Des télévisions, publique comme privées, passaient des dessins animés pour tout programme, pendant que le pays était en cendre. Il fallait banaliser la tragédie qui se déroulait sous nos yeux et dont les seuls responsables étaient entièrement et exclusivement les disciples du Temple de Thémis. Parce que tout un système allait désormais s’effondrer y compris le Temple, dont le délitement devenait déjà inéluctable. Et les troubadours, ayant touché leur rente, tels ces vendeuses de plaisirs, se chargèrent du lynchage médiatique de l’accusé Ousmane Sonko, avec une violence inouïe jamais observée dans le pays. Et ça continue !
Pourtant, chaque fois que l’accusé Sonko avait senti que ses droits étaient bafoués, il avait porté plainte, stoïquement. La justice a toujours fait en sorte que ses plaintes soient restées lettres mortes.
A la fin de la journée, monsieur le procureur a dit au juge : « … Les charges retenues contre le prévenu sont avérées et ne souffrent d’aucun doute. Il a choisi de ne pas déférer à la convocation de votre tribunal, alors qu’il a été régulièrement convoqué à cette audience. Manipulateur qu’il a été, l’accusé a fui le débat. En revanche, la « victime »* a toujours soutenu de façon claire et précise que le prévenu a eu à entretenir avec elle des relations sexuelles à cinq reprises. Les prélèvements effectués sur la victime ont révélé la présence de sperme, donc une conjonction qu’il ne peut en aucun cas contester … il est avéré qu’Ousmane Sonko est un habitué de l’institut « Sweet beauté ». Il est constant que la victime née le 3 mars 2000 était âgé au moment des faits de 19 ans donc couvert par les dispositions de cet article 320 du Code pénal… Il est clair que le viol est ici prouvé par un certain nombre de présomption grave et concordante qui ne permet aucun doute. Je suis là certes pour défendre la « victime », mais aussi pour défendre la justice qui a été trainer dans la boue. L’opinion a été monté contre la justice qui est le socle sur lequel, repose la société sénégalaise… à défaut de retenir le crime de viol, une requalification des faits en délit de corruption de jeunesse et de condamner l’accusé à 5 ans de prison »
Demandez donc pour autant à monsieur le procureur, depuis quand un viol est-il prouvé par « un certain nombre de présomption grave et concordante qui ne permet aucun doute » ! Et faites donc fi de ses difformités grammaticales !
Des incongruités, il y en a vraiment eu dans ce Temple ! Il y a quelques années, l’un d’entre les disciples a écrit à l’un d’entre eux, l’accusant publiquement dans le journal l’Observateur du vendredi 21 août 2020, d’avoir fomenté un simulacre de procès, pour mettre en « liberté provisoire » un prisonnier déjà jugé et condamné aux travaux forcés pour meurtre !
Aujourd’hui, c’est l’un des protagonistes en retraite, qui s’est mué en donneur de leçons d’éthique et dépositaire de la Morale publique. Quel pays de dupe ! Et que de porteurs d’intelligence maléfique !
C’est une digression…
Ensuite, il y a eu l’affaire du Programme des Domaines agricoles communautaires (PRODAC). L’opposant au Chef est accusé de diffamation par un de ses ministres pour avoir dénoncé un rapport classé sans suite voire introuvable alors, qui faisait état de malversations de ce dernier. Le ministre a porté plainte pour diffamation. Oscar a été condamné en première instance à 2 ans de prison avec sursis. Il devra payer la rente la plus onéreuse de tous les temps. Car, il doit payer des dommages et intérêts pour 200 millions de Francs CFA, soit plus de 300 000 Euros. Et si le juge s’était trompé d’un ou de plusieurs zéros ?
L’accusation s’est précipitée pour le rejuger en appel. Et, tenez-vous bien, c’est monsieur le procureur lui-même qui a interjeté appel ! Que faisait-il donc dans cette galère ? Pourquoi le procureur de la République a-t-il eu besoin de s’immiscer dans une affaire privée, opposant deux citoyens de la République ? A qui va-t-on expliquer et convaincre que cela faisait partie de son travail ? En l’espace de deux semaines, en violation de ses droits les plus élémentaires, a eu lieu le procès en appel. Ousmane Sonko fut condamné cette fois-ci à six mois de prison avec sursis et avec la même « rançon légale », 200 millions de Francs CFA. Le juge ne s’était donc pas trompé de Zéro ! Pourtant, le ministre plaignant avait déjà clamé en première instance sa satisfaction sur tous les toits et sur toute la Toile, avant de se rétracter. Il en avait sûrement reçu l’instruction… A Ousmane Sonko, il ne lui a même pas été laissé la possibilité, de par son droit légitime, de faire appel. Il devait juste passer pour inéligible au regard des dispositions des articles L28, L29 , L30 et L56 du Code électoral sénégalais, expressément modifiés par le Chef pour coincer ses adversaires menaçants, comme Ousmane Sonko.
Enfin, il y a eu l’épisode des cinquante-cinq jours de barricade par la Police et par la Gendarmerie, du domicile de l’opposant et accusé de tous les maux et torts. Cela s’est fait sans acte administratif ni décision judicaire. Aucun juge n’y a mis fin ! Aucun procureur n’est intervenu pour faire respecter la loi ! Puis, il y a eu l’arrestation de l’opposant, dont la loi a gratifié désormais du quolibet de « Contumax », pour vol de téléphone portable. On va s’épargner les périssologies de l’ancien ministre de la Justice, dont le sport favori était de nous expliquer ce que voulait dire… « Contumax ». Il ne pratiquera plus ce sport de sitôt. Il est porteur du bracelet électronique dont il a été le promoteur et qui limite désormais ses propres agitations.
C’est de tout cela dont parle le Premier ministre du Sénégal, rien que tout de cela !
(*Je n’ai pas voulu copier les prénom et nom de la « victime » tels qu’écrits dans le texte de monsieur le procureur, pour mon « hygiène personnelle », comme disait l’autre.)
Samba Nd. Diallo,
Conseiller technique
SOGEPA SN – DAKAR